CARNET DE L’AMATEUR


20 July 2023

Le périple d'une sculpture à Versailles

Le groupe sculpté de Zéphyr, Flore et l’Amour au château de Versailles


Le visiteur qui arpente les salles du château de Versailles en 2023, a pu s’étonner de voir le nom de l’Angola figurer sur le cartel d’une sculpture française du XVIIIe siècle, visible en ce moment dans les appartements de la dauphine. Il s’agit de Zéphyr, Flore et l’Amour, tous trois sculptés dans trois blocs de marbre différents puis réunis en un groupe que l’Angola a donc offert à la France en 2022.
Comment donc cette œuvre s’est-elle vue offerte par ce pays lointain ?

Les choses commencent en 2016. Une ancienne photographie en noir et blanc du groupe de Zéphyr et Flore attire l’attention du conservateur des sculptures du château de Versailles, Lionel Arsac, alors qu’il consultait un ouvrage de référence sur le sujet (François Souchal, French Sculptors of the 17th and 18th Centuries). Cette statue était effectivement connue des archives qui retracent son historique, en perdent la trace au XXe siècle.

En 1713, Louis XIV passe commande auprès de deux sculpteurs, Philippe Bertrand et René Frémin, d’un groupe sculpté représentant Zéphyr et Flore. Mais le roi meurt deux ans après sans voir sa commande achevée, et est suivi dans la tombe du sculpteur Philippe Bertrand. Jacques Frémin, lui, part au service de Philippe V d’Espagne en 1722. Le chantier échoit donc à un autre académicien des Beaux-Arts, Jacques Bousseau, qui achève de sculpter le groupe en 1726.

Il est d’abord exposé dans la galerie des antiques, avant d’être offert par le roi au marquis de Marigny en 1769. C’est donc bien naturellement que la sculpture fait partie des lots exposés lors de la vente des biens du marquis de Marigny en 1881, au cours de laquelle elle est achetée par un grand collectionneur, Alphonse de Rothschild.
Lionel Arsac parvient à remonter la piste jusqu'à Alphonse de Rothschild, identifié comme le dernier propriétaire connu de l’œuvre. Il se lance alors dans une enquête généalogique et biographique qui doit lui permettre, outre d’identifier les potentiels héritiers, d’identifier les différentes demeures du baron. Ce travail de longue haleine le mène au château de Boulogne, de Ferrières… sans déboucher sur quoi que ce soit. Il apprend alors que l’ambassade de l’Angola fut un temps l’hôtel Éphrussi-Rothschild. En visionnant sur Google View les jardins de l’ambassade, il remarque des points blancs, qui pourraient être d’importantes statues, et demande alors l’autorisation de se rendre sur place.

L’enquête qui durait depuis plus de deux ans portait ses fruits. Lionel Arsac redécouvre ce trésor perdu de la sculpture française, que l’Angola a gracieusement accepté de donner à la France, moyennant la mise en place d’un partenariat culturel. C’est ainsi qu’elle est aujourd’hui visible au domaine du château de Versailles, où elle s’apprête à intégrer les collections permanentes, à deux pas de l’Hôtel de Bouillon qui recèle également des merveilles dont nous nous ferons un plaisir de vous conter l’histoire lorsque vous viendrez nous voir.

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