CARNET DE L’AMATEUR


24 February 2023

Les collections du duc de Choiseul

« Il avait une figure parfaitement désagréable, même repoussante, mais son esprit également agréable et léger réparait facilement l’impression fâcheuse qu’inspirait son premier abord ». C’est en ces termes contrastés que le prince de Montbarey présente son contemporain, le duc de Choiseul, principal ministre du roi Louis XV entre 1758 à 1770. Ce personnage, que l’actualité culturelle a remis sous les feux des projecteurs grâce à l’acquisition de sa tabatière par le musée du Louvre, fut en son temps un véritable amateur et collectionneur d’art.
Si la tabatière de Choiseul, peinte par Nicolas Van Blarenberghe, est exceptionnelle par sa facture, elle l’est également par le choix des miniatures qui offrent à celui qui l’observe une immersion dans le cadre quotidien de la vie d’Etienne-François de Choiseul, dont les collections de peintures sont représentées sur cet objet d’exception. On peut donc y reconnaître des toiles de Greuze, de Watteau, mais aussi de Van Dyck, de Rembrandt… Loin des habiletés politiques pour lesquelles il est passé à la postérité, le duc de Choiseul s’est avéré être un esthète. Mais le collectionneur ne s’est pas arrêté aux seuls Beaux-Arts : il a su, comme les gens de son temps, s’intéresser aux Arts Décoratifs qui connaissent une véritable consécration au XVIIIe siècle. C’est ainsi que l’on retrouve dans la vente de sa succession, datée de 1786 et se déroulant chez le peintre A.J. Paillet, la mention de plusieurs biscuits, dont un qui représente « Pygmalion amoureux de sa statue », sujet très prisé puisque la Galerie Pellat de Villedon en expose un similaire à l’Hôtel de Bouillon.

Les collections du Louvre abritent également un bureau plat de l’ébéniste Jacques Dubois lui ayant appartenu. Ce bureau, orné de laques du Japon, place le duc de Choiseul parmi les plus grands collectionneurs de son temps. Seule une certaine élite pouvait en effet accéder à un matériau aussi précieux que le laque, représentatif du goût de l’époque pour l’exotisme.  Le duc de Choiseul était, de plus, au courant des nouvelles tendances décoratives de son temps.  Le portrait que le peintre Van Loo fit du Duc de Choiseul en 1763 l’immortalise devant un bureau plat « à la grecque ». Or ce bureau nous fait penser, par son goût, à celui effectué par Baumhauer pour Lallive de Jully qui marque l’apparition d’un goût nouveau en France. Rentré en 1757 d’une ambassade au Vatican, Choiseul y avait eu le loisir de visiter les sites de fouilles archéologiques de Pompéi et d’Herculanum, et de redécouvrir, comme l’avait fait du Bellay plusieurs siècles auparavant, les antiques bâtiments romains. C’est donc tout naturellement que Choiseul devient en France l’un des instigateurs du goût néoclassique qui ne prévaut pas encore au moment du portrait.

L’importance du Duc de Choiseul dans le monde des Arts et des Lettres peut se mesurer au moment où il est contraint de se retirer avec son épouse au château de Chanteloup, alors que la nouvelle maîtresse Royale Madame du Barry a obtenu sa chute en 1770. Exilé de la cour, il recrée la sienne propre, mettant en place son propre cérémonial, avec représentations théâtrales, soupers en grand habit... Le duc de Choiseul était connu pour sa grande prodigalité, faisant dire de lui : « il se ruinera, mais il n’y a pas grand mal, il n’a pas d’enfant » (Voltaire à Madame du Deffand). Il suscite donc autour de lui une véritable émulation artistique et son château de Chanteloup, dont nous proposons aujourd’hui, à la Galerie, une pièce de mobilier, devient la nouvelle vitrine de son sens artistique inné. Cette prodigalité va rattraper Etienne-François Choiseul qui sera contraint, malgré un retour en grâce enfin arrivé mais longtemps attendu, de se séparer d’une bonne partie de sa collection, tant de peintures que d’objets en toutes sortes, allant jusqu’à vendre les bijoux de sa femme. Il reste un collectionneurs marquants du XVIIIe siècle, grâce à la nombreuse production artistique qu’il n’a eu de cesse d’encourager.

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