CARNET DE L’AMATEUR


3 December 2021

Godefroy Maurice de la Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, là où tout commence

La titulature de Godefroy-Maurice de la Tour d’Auvergne est impressionnante : « Souverain duc de Bouillon, duc d’Albret et de Château-Thierry, comte d’Auvergne et d’Evreux, viscomte de Turenne et de Lanquais, vidame de Tulle, baron de Limeuil et de Montgascon, Pair et Grand Chambellan de France, gouverneur de la haute et basse Auvergne ». Elle laisse deviner l’ancienneté de la Maison à laquelle Godefroy-Maurice appartenait, maison suffisamment prestigieuse pour lui permettre de faire construire, en 1670, un hôtel particulier tout à côté de la demeure royale de Versailles, à l’emplacement actuel de la Galerie Pellat de Villedon.


La famille de la Tour d’Auvergne dans la Fronde :
Godefroy Maurice est le fruit d’un mariage d’amour, comme le souligne l’historienne Sophie Vergnes, biographe de Frédéric-Maurice de la Tour d’Auvergne. Les annales historiques ont retenu celui-ci, père du second, pour son implication dans le mouvement de la Fronde. Les velléités frondeuses du duc sont alimentées par l’échec de la conjuration de Cinq-Mars, à l’issue de laquelle le duc Frédéric-Maurice de la Tour-d’Auvergne s’ést vu contraint de céder sa principauté de Sedan.
L’emprisonnement du prince de Condé, le 18 janvier 1650, sur ordre d’Anne d’Autriche, est l’élément déclencheur de ce grand mouvement de révolte qu’est la Fronde.  Les Grands du royaume, amis et soutiens du prince de Condé, se retirent de la cour. Le duc de Bouillon en fait de même et perd ainsi tous ses titres honorifiques. La duchesse soutient son mari dans ses positions, et fait jouer en sa faveur un excellent réseau. Elle devient alors une redoutable opposante du cardinal de Mazarin et de la reine qui l’assigne à résidence avec ses enfants en janvier 1650. Elle réussit cependant à s’en échapper le 23 mars 1650, mais est retrouvée le 5 avril, et se fait cette fois embastillée. On utilise sa détention comme un moyen de pression pour rappeler son mari à l’ordre. Cette stratégie est payante car le duc de Bouillon rentre dans les rangs. Il rejoint son épouse à Amboise après la libération de celle-ci en octobre 1650. Le duc et la duchesse de Bouillon recouvrent leurs titres de noblesse, permettant ainsi à leur fils Godefroy-Maurice de La Tour d’Auvergne de devenir, à la mort de son père en 1652, le nouveau duc de Bouillon.


Le duc de Bouillon : Grand Chambellan et Pair de France
Dans sa jeunesse, le duc de Bouillon a une courte carrière militaire. En 1664, il part combattre les turcs, puis prend part à la campagne de la Franche-Comté qui aboutit à la signature, en 1668, du traité de paix d’Aix-la-Chapelle. Il met un terme à sa carrière militaire après une ultime participation à la guerre de Hollande (1672-1678).
A l'âge de 22 ans, en 1658, Godefroy-Maurice de La Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, est nommé à la charge de Grand Chambellan de France. Cette charge honorifique l’élève au rang des plus hauts dignitaires de France. Le Grand Chambellan était présent lors de l’habillage du roi qu’il aidait dans cette tâche, et le servait lorsque le roi était à table. Ce titre reste dans la famille jusqu’à la Révolution.
Cette fonction permet au duc de Bouillon d’avoir avec le roi des rapports meilleurs que ne furent ceux de son père en son temps. Les mémoires de Saint-Simon rapportent à ce sujet plusieurs anecdotes qui en témoignent. Le duc de Bouillon a, par exemple, contracté des dettes contre l’Etat et le roi, qui les rembourse lui-même. Louis XIV est présent au mariage du duc de Bouillon qui se tient en 1662, dans la chapelle de la Reine, à l’Hôtel de Soissons, et discute plus tard avec lui des difficultés rencontrées par le duc dans l’éducation de son fils.   
Le soin qu’a Louis XIV d’entretenir de bonnes relations avec le duc de Bouillon s’explique bien sûr par le souci qu’il a de maintenir les grands du royaume sous sa coupe, afin d’éviter une nouvelle Fronde. Le duc de Bouillon prête serment lors de son entrée au Grand Conseil des Pairs de France, en promettant de « se comporter comme un digne, sage, vertueux et magnanime duc et Pair, officier de la couronne et conseiller de la cour ». Il atteint par là le rang le plus élevé auquel puisse aspirer un prince n’étant pas de sang royal ; Louis XIV a su créer une redevance du duc de Bouillon à son égard de telle sorte qu’elle les prévient de toute révolte.

Louis XIV envahit le Luxembourg et le duché de Bouillon en 1675, lors de la guerre de Hollande. Il restitue alors les terres de Bouillon, gouvernées par l’évêché de Liège depuis le traité de Cateau-Cambrésis en 1559, à la maison de la Tour d’Auvergne dans le traité de Nimègue, en 1679.


Le mariage de Godefroy Maurice de La Tour d’Auvergne et de Marie-Anne Mancini :
Godefroy Maurice de La Tour d’Auvergne se marie le 22 avril 1662, avec Marie-Anne Mancini (1649-1714), la plus jeune des nièces du cardinal Mazarin. Le mariage, célébré par en grandes pompes, est fécond et vraisemblablement heureux. Primi Visconti, un contemporain du duc, nous rapporte que « le duc sans sa femme était un corps sans âme », ce qui ne manque pas de surprendre lorsque l’on sait que les époux menaient une vie séparée. Le couple ne se voit qu’une ou deux fois par an, lorsque la duchesse de Bouillon se présente à Versailles où le duc réside, en raison de sa fonction de Grand Chambellan de France. La duchesse vit dans leur hôtel quai Malaquai, à Paris. En dépit de la distance, les époux restent unis et se soutiennent mutuellement. Nous verrons même le duc de Bouillon accompagner son épouse et la défendre devant le parlement de Paris, alors qu’elle est inculpée dans l’affaire des Poisons, en 1680.


La descendance du duc et de la duchesse de Bouillon
La séparation n’empêche pas le ménage d’avoir dix enfants : cinq fils et cinq filles. Comme leurs parents et arrière-grands-parents, les enfants tiendront une place importante dans le monde, grâce à leurs carrières politiques, militaires, ou par leurs mariages.

 

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