Bureau à cylindre estampillé Tuart et Boudin
Très beau et rare bureau à cylindre de milieu marqueté de bois de rose et amarante, reposant sur quatre pieds galbés. Le bureau ouvre en façade par cinq tiroirs en ceinture. La partie supérieure ouvre par un rideau à lamelles et laisse découvrir un écritoire gainé de cuir ainsi que cinq tiroirs accompagnés de quatre casiers. Le bureau est garni de bronzes dorés et ciselés en sabots, en chutes, en poignées de tirage, en entrées de serrure, en lingotière, en galerie. Estampillé à plusieurs reprises Tuart et Boudin, marque de la JME. Epoque Louis XV Restaurations d’usage H. 110,5 x L. 151 x P. 81,5 cm
58000 €
DESCRIPTION
Le meuble de notre étude est particulièrement intéressant selon plusieurs angles. En effet, que ce soit par sa rareté ou bien par l’histoire de sa création, ce bureau à cylindre est particulièrement captivant. Deux estampilles de maîtres différents ont été apposées sous le meuble. Ceci soulève plusieurs interrogations : qui a conçu le meuble, quelle part a pris chacun des ébénistes, pourquoi deux noms ? Avant de s’intéresser au différentes raisons et hypothèses, penchons-nous sur ces deux artistes. Jean-Baptiste Tuart est reçu maître en 1741. Ses ateliers, installés dans le cloître de Saint-Germain l’Auxerrois, sont florissants et il obtient plusieurs commandes de l’administration des Menus-Plaisirs, entre 1744 et 1753. Son nom est encore mentionné en 1767, mais son activité semble s’être ralentie au tournant des années 1760, période à laquelle son fils ouvre ses propres ateliers. Léonard Boudin (1735-1807) est reçu maître en 1761. Découvert auparavant par l’ébéniste Migeon qui lui passait commande, le succès de ses œuvres lui permet d’ouvrir en 1772 un premier magasin rue de Fromenteau, puis il déménage en 1775 dans le cloître de Saint Germain l’Auxerrois. Très demandé, il va progressivement déléguer une partie de ses commandes à certains confrères comme Denizot, Topino, RVLC ou enfin Tuart. On retrouve néanmoins sur les meubles estampillés un « goût Boudin », reconnaissable à la belle qualité de marqueterie. Tout d’abord, nous devons signaler que nous retrouvons plusieurs meubles sur lesquels l’estampille de Tuart est associée à celle de Boudin, ce qui laisse à penser que la collaboration entre ces deux artisans était récurrente. La présence de la double estampille se rencontre sur plusieurs meubles : Boudin et Tuart ont par exemple travaillé sur un secrétaire aujourd‘hui conservé à la Polesden Lacey Collection (N°1245864), et qui porte l’estampille de ces deux ébénistes. Concernant notre bureau, plusieurs explications peuvent être retenues. Celle la plus communément admise est celle de la sous-traitance : pour faire face aux demandes très importantes, Boudin fait travailler son confrère, se contentant du rôle de « revendeur ». Une autre explication est celle du travail à quatre mains : Tuart aurait fait une partie du meuble, comme le bâti, tandis que Boudin en aurait exécuté le placage qui correspond tout à fait à son esthétique. Le comte de Salverte nous rappelle enfin qu’une double estampille peut s’expliquer par le fait qu’un meuble subisse une restauration ou un remaniement postérieur à son état de création. L’estampille JME apposée aux côtés de celles de Boudin indique que le meuble achevé était présent dans les ateliers de Léonard Boudin lors d’une inspection de la jurande de sa corporation dans ses ateliers. Il s’agit là d’un indice précieux quand à la place de Léonard Boudin dans le processus de création de ce bureau. Par ailleurs, il n’y a pas que ces mystérieuses estampilles qui font de ce bureau un meuble remarquable. Il semble en effet que plusieurs bureaux très proches du nôtre ont été réalisés (même si le marché offre très peu de bureaux à cylindre). Ainsi, un bureau à cylindre très proche du nôtre au château de Champs-sur-Marne, estampillé de Boudin, ainsi qu’un autre dans les collections du mobilier National (numéro d’inventaire GME-9187-000) sont conservés. Lors de la vente des collections Wildenstein chez Christies le 15 décembre 2005, un bureau estampillé Boudin mais attribué à RVLC est également présent. Plus récemment, l’étude Collin du Bocage (lot 125, vente du 11/05/21) et Ivoire (lot 417, 18/05/19) ont vu passer des bureaux similaires. Nous sommes néanmoins face à un bureau exceptionnel, dans la finesse de son placage qui vient souligner au regard la puissance et l’élégance de sa ligne. Il suffit d’un coup d’œil attentif au rideau de lamelles pour s’en rendre compte : malgré une largeur qui n’excède par un pouce, chacune est marquetée d’au moins quatre sections de marqueterie différentes. Le tiroir central mérite également notre attention. Comment ne pas s’émerveiller devant la complexité de l’ensemble dont les côtés concaves suivent la légère courbe convexe des caissons latéraux ? Nous observons aussi, aux extrémités de chaque lamelle et de certains tiroirs, des arcs de cercle qui attestent, s’il le fallait, du sens du détail qui animait l’artisan. Marqueté de toutes faces, ce bureau aux dimensions imposantes assurera par sa seule présence de la majesté à la pièce où vous l’installerez. Ses courbes sont d’ailleurs soulignées tout du long par une fine baguette sur ses pieds, une lingotière sur son plateau, et un large filet sur le caisson. Aucun détail n’est laissé au hasard et ce meuble est un exemple parlant de la symbiose entre menuiserie et ébénisterie recherchée par les artisans de l’époque. Bibliographie : Pierre KJELLBERG , « le Mobilier français au XVIIIe siècle », les éditions de l’amateur, Paris, 2008 François de SALVERTE « Les ébénistes du XVIIIe siècle, leurs œuvres et leur marques » éditions de Nobele, Paris, 1962
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