Table à écrire, d'époque Louis XVI, modèle de Weisweiler
Table à écrire en acajou et placage d’acajou. Elle ouvre par un tiroir amovible en ceinture formant un écritoire, recouvert d'un maroquin vert avec une frise et un élément central dorés. La tablette à glissière est pourvue d’un battant rétractable. Les angles sont incrustés de grattoirs brettées en bronze doré. Elle repose sur quatre colonnes resserrées vers le haut par des bagues, ornées de seize cannelures. Ses pieds toupies aussi canelés et dotés d’une bague godronnée sont terminés par des sabots en bronze doré sur roulettes. Ils sont réunis par un plateau d'entrejambe à découpe concave sur le devant, entouré d'une ceinture en bronze doré. Le dessus en acajou est ceint d'une lingotière moulurée en bronze doré. Epoque Louis XVI Etat d’usage H. 75 x L. 53,5 x P. 41 cm
68000 €
DESCRIPTION
L’acajou était déjà exploité dès le XVIIe siècle par les praticiens anglais. La france suivit l’exemple dès la première moitié du XVIIIe siècle notamment dans l’atelier de François Guillemard en 1724 où apparaissent les premières mentions de ce bois. La préciosité de l’acajou et ses qualités naturelles le propulsèrent rapidement en matériau de choix, mis à la mode par Madame de Pompadour. L’acajou se voit d’autant plus utilisé pour les meubles légers, comme le nôtre, où les variétés et la beauté propre du bois suffisent à l’éclat recherché ainsi qu’à la simplicité et à l’élégance de plus en plus en vogue. C’est alors un tournant dans la carrière de Weisweiler, lorsqu'il abandonne les productions monumentales du début de la période Louis XVI pour des modèles plus sobres, en phase avec l'évolution de la mode. Cette table à écrire peut être considérée comme illustrant ce moment fascinant de l'appréciation culturelle anglo-française où l'« anglomanie » de la cour de Louis XVI s'accompagne d'un goût croissant pour le mobilier français parmi l'aristocratie de Grande-Bretagne. La décoration de ces meubles à l'architecture élégante devient plus simple, avec moins de bronzes, et la marqueterie élaborée de fleurs est remplacée par des placages exotiques unis. L'adoption de cette nouvelle ère de meubles sobres et équilibrés, mais surtout conservant une qualité d'exécution, est également suivie par des ébénistes tels que Jean-Henri Riesener, Pierre Garnier et Canabas. Weisweiler est connu pour avoir produit d'autres types de meubles mécaniques et était expert dans la production de ces pièces complexes, tout comme son contemporain David Roentgen. La littérature actuelle semble indiquer que Weisweiler a fabriqué très peu de tables d'écriture ou d'architecte, ce qui suggère que le meuble proposé pourrait bien avoir été une commande spéciale de Daguerre pour l'un de ses clients importants. De même, le travail accordé au bronze par la finesse des ciselures et les lignes épurées, bien loin de l’abondance des années précédentes, rappellent cette simplicité et cette dextérité si familière à Weisweiller. La qualité du meuble, notamment de son bâti et de sa garniture de bronze finement ciselée, conforte cette attribution. En outre, ce type de meuble léger, bien souvent caractérisé par des pieds toupies, est caractéristique de la production de l'ébéniste. Nous savons qu’Adam Weisweiller est né à Neuwied-sur-le-Rhin, où il aurait reçu sa formation technique dans l'atelier de David Rrentgen. Fixé à Paris vers le début du règne de Louis XVI, il gagna la maîtrise le 26 mars 1778, s’établit rue du Faubourg-Saint-Antoine, et se distingua bientôt dans l'ébénisterie de luxe. Ses talents lui méritèrent des commandes pour les maisons royales et, en particulier, pour le service de la Reine à Saint-Cloud. Cet artiste mit son estampille sur des meubles de fantaisie, qui rivalisent, en grâce et en légèreté, avec les plus délicates productions de Riesener ou de Carlin. Des intermédiaires, comme Dominique Daguerre, vendaient ensuite les œuvres de Weisweiler à des membres de la cour de France, dont la reine Marie-Antoinette, le roi de Naples et le prince régent d'Angleterre (futur George IV). Dominique Daguerre était sans conteste le plus célèbre marchand mercier de Paris. Sa clientèle comprenait non seulement la famille royale et les princes du sang, mais aussi des étrangers titrés, comme le comte et la comtesse du Nord qui lui confièrent de nombreuses commandes lors de leur célèbre visite en 1782. Il vendait des meubles à l'aristocratie française, à de riches financiers français et, après 1785, lorsque le Garde Meuble cessa d'employer Riesener, les plus beaux meubles destinés au roi et à la reine à Versailles ou à Saint-Cloud furent achetés à Daguerre. Dominique Daguerre avait des liens étroits avec l'Angleterre, il importa des meubles de ce pays et est largement reconnu pour avoir mis à la mode le « style anglais » à Paris, et la table actuelle est presque anglaise dans son apparence. Après 1789, lorsqu'il s'associa avec Martin-Eloi Lignereux, ses affaires en Angleterre se développèrent et il possédait une boutique à Londres. Ainsi, non seulement il popularisa le goût anglais en France, mais il peut également être crédité d'avoir apporté les objets et le goût français en Angleterre. Ses clients anglais, comme ses mécènes français, étaient des membres de la famille royale, des aristocrates et des riches, notamment le prince de Galles francophile, le duc de Bedford, le duc d'York, Lord Spencer et d'autres. Après la chute de la monarchie Weisweiler resta en France où il avait conduit son entreprise avec prudence et peu vendu à crédit. Il put surmonter la crise, et même acheter, en pleine Terreur, un immeuble qu'il paya 40 000 livres. Avec ses économies, il acquit encore deux autres maisons, dont l'une était située rue des Tournelles. Au début de l'Empire, on le retrouve dans cette dernière demeure, à la tête d'un magasin assez considérable. Il quitta les affaires en 1809. Weisweiler fabriqua des meubles de style néoclassique, en utilisant principalement des placages simples au lieu de marqueterie picturale. Il a également souvent fabriqué des meubles ornés de panneaux de laque ou de pierre dure ou de plaques de porcelaine de Sèvres, pour obtenir des effets particuliers. Weisweiler créa toute une série de chefs-d'œuvre dans ce style original. La galerie Wallace à Londres renferme un secrétaire orné de porcelaines peintes, qui présente aux angles des motifs à bustes de femme et, sur son entretoise, un médaillon au chiffre de la Reine. Chez le baron Edmond de Rothschild se trouvent deux pièces identiques, sauf que les panneaux du secrétaire sont en laque et le dessus de la table en Sèvres. La reine d'Angleterre possède un meuble d'entre-deux qui rappelle, avec la même interversion, une des commodes faites par Carlin pour Mesdames de France au château de Bellevue. Dans la collection de M. Massey-Mainwaring à Londres et celle de M. E. Cognacq à Paris, Weisweiler est représenté par d'admirables ouvrages offrant une ornementation analogue. Nous intéresseront davantage sa paire de petites tables d’appliques depuis 1923 dans les collections du musée Nissim de Camondo ainsi que la paire de table servantes. Outre de semblables morceaux, le maître a laissé de très bons meubles en acajou dans un genre plus simple. En effet, le travail d’ébénisterie autour de notre table écritoire reflète la modernité par son allègement et ses formes épurées dont faisait preuve Weisweiler. A cette époque, l’attention porté au mobilier se tourne davantage vers un style plus symétrique où la ligne droite s’affirme. De même, les petits meubles remportent un franc succès auprès des contemporains, ce style venu d’Angleterre est alors repris en France et Adam Weisweiler ne manque pas de s’y adapter. Les ébénistes et menuisiers pouvant directement livrer leur travail aux marchands-merciers sans y apposer de signature, cela expliquerait l’absence d’estampille sur notre meuble. Cette table écritoire reprend en tout point l’élégance propre à cette époque et au célèbre ébéniste. Que ce soit par la finesse de son exécution, ses mécanismes et la précision des ciselures dans les colonnes cannelées, elle incarne la légèreté et le raffinement de cette fin du XVIIIe siècle.
Vous apprécierez