Ensemble de quatre rares chaises attribuée à Georges Jacob

Ensemble de quatre chaises en acajou reposant sur quatre pieds fuselés, moulurés et surmontés de dés de raccordement dans lequel est inscrit une marguerite. Le dossier ajouré rectangulaire représente un vase agrémenté d’une palmette encadré par deux cygnes. Le bas du dossier est composé d’une frise géométrique.
Attribué à Georges Jacob
Epoque Directoire
Restaurations d'usage, garniture moderne non utilisable 
H. 88 x L. 47 x P. 42 cm

22000 €

DESCRIPTION

Les quatre chaises que nous présentons aujourd’hui sont interessantes et particulièrement prisées. Le modèle est rare et collectionné par de prestigieux amateurs. Citons les deux paires préemptées par le musée Carnavalet lors de la vente organisée le 10 juin 2022 par la maison de vente Beaussant Lefèvre (lot 352 et 353). Ces dernières ont été réalisées pour l’impressionnante  demeure de Beaumarchais construit en 1787/1788 face à la Bastille boulevard Saint-Antoine (qui n’existe plus aujourd’hui). Comme indiqué sur l’étiquette, elles devaient être disposées dans le « salon de madame », Marie-Thérèse Amélie Willermaulaz, sa dernière épouse qui recevra beaucoup. Elle se devait donc d’avoir un intérieur à la pointe de la mode. En parlant de tendance, quelle menuisier est plus au fait des modes et créateurs de nouveaux goûts que Georges Jacob ?
L’étiquette confirme que ces dites chaises sont bien de la main de Jacob. Deux autres exemples passés en vente publique sont également attribuées au maître. La maison de vente Leducq enchères a vendu une unique chaise le 17 octobre 2023 sous le lot numéro 194 tout comme Christie’s qui vend une seule chaise le 21 septembre 2011 sous le numéro 385. Cette dernière semble avoir appartenu au baron Eugène Fould Springer, banquier, pour sa résidence du palais abbatial de Royaumont (l’ensemble de la collection étant dispersée à l’occasion de cette vente).

Avec ces noms de commanditaires et de collectionneurs, il est aisé de comprendre que ce modèle précis plut à des yeux exigeants. Pour le comprendre davantage, il suffit d’étudier la production contemporaine de ces chaises, de les comparer. Déjà sous le règne de Louis XVI, la mode de l’acajou et l’importation du goût anglo-chinois s’imposent. En effet, les anglais apprécient particulièrement les dossiers ajourées (inspirés eux-mêmes du mobilier chinois et des oeuvres de Chippendale). La France va alors y faire référence et s’approprie les nouveaux codes. Les formes sont multiples : des dossiers en raquette, arrondis, carrés, en anse de panier, etc. Le décor de ces dossiers peuvent être ornés d’une lyre, d’une gerbe, d'une montgolfière, de palmettes, de croisillons, de motifs géométriques tels que les arcatures ou les losanges ou agrémentés de simples barreaux. Arrivé au Directoire, ce goût sera développé et nous observerons une diversification encore plus importante des motifs.
Ainsi, les dossiers de nos chaises sont originaux en tout point : l’ensemble du motif est complexe avec deux cygnes, une palmette, un vase et une frise en plus de la mouluration du cadre, et peu produits.

Le nom de Georges Jacob n’est pas incohérent avec ce type de production, bien au contraire. Il s’agit d’un des artistes les plus talentueux de son temps dans le monde des arts décoratifs. Il reçoit sa maîtrise en 1765. Il eut une créativité et appliqua une qualité d’exécution sans précédents. Sous Louis XVI, c’est déjà lui qui est le promoteur et le principal fournisseur de ces sièges ajourés. Il est un des premiers a utilisé ces nouvelles formes. Pour exemple, nous pouvons citer les sièges uniques de la laiterie de Rambouillet de la reine Marie-Antoinette. Il généralise également l’emploi de l’acajou et s’inspire allègrement du mobilier de l’Antiquité greco-romaine (sièges curules). Cette place d’avant gardiste, il continue à la garder même au « style » suivant, le Directoire comme en témoigne les chaises de notre étude. Michel Beurdeley dans son livre « Jacob en son temps » le décrit ainsi « L’homme à la mode, Georges Jacob, maître ébéniste, spécialiste de sièges et consoles, conseiller artistique des grands de ce monde, en fait décorateur ». Ses décors sculptés sont toujours réalisés avec beaucoup de rigueur et de précision. Il faut sincèrement retenir Georges Jacob comme ayant été un des artistes les plus créatifs et imaginatifs. Les bouts de pieds tronconiques ou le dessin du dossier sont autant de détails qui confirment cette observation.

Ce qui est à noter également, et ce qui fait la particularité de nos chaises ce sont leur matériau. Ici, nous avons à faire à du hêtre teinté et non pas de l’acajou. Venu pour l’imiter, la teinte du bois (et non un bois laqué) permet une texture fine et la vue des veines de ce dit bois. Jacob a rarement utilisé ce procédé (il en existe quelques exemples), ce qui rend nos oeuvres pertinentes pour une collection.

Au delà de la qualité des chaises, posséder un ensemble de sièges de cette période est interessant. En effet, le Directoire est en quelque sorte une période de transition entre le Louis XVI et l’Empire où les modes vont évoluer, des expérimentations vont être faites. Il s’agit d’une courte période où peu d’oeuvres vont être produites. Jacob et quelques autres confrères travaillent tout de même en ces temps troublés pour une clientèle privée et pour des nouveaux noms qui ont fait fortunes, à l’heure où de nouvelles constructions à Paris voient le jour. 
Tant de prismes peuvent être abordés autour de chaises qu’ils en font une oeuvre étude passionnante. 

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